On ne peut pas évaluer les parlementaires n’importe comment

« Avec les élections législatives imminentes, les classements d’activités des parlementaires se multiplient. Les éléments chiffrés existent, avec les sites des assemblées, mais également la plateforme « nos députés » du collectif Regards citoyens. Malheureusement, après bientôt 10 ans que les chiffres sont disponibles, les méthodologies restent parfois défaillantes, au point de produire des classements qui n’ont rien de constructif, et tout de militant. Il faut donc bien regarder la recette avant de faire la publicité de certaines études.

Un exemple de ce qu’il ne faut pas faire vient de paraitre, il s’agit d’un classement des députés « écologiques » mené par l’ONG Agir pour l’environnement. La méthodologie est assez « stupéfiante », puisque la base retenue pour le classement repose sur 17 amendements et votes, ayant fait l’objet d’un scrutin public (donc avec la liste nominative des positions), sur cinq textes de loi. Comment prétendre tirer une conclusion, prétendant couvrir l’ensemble du mandat, sur une base statistique aussi étroite ? Sur quelle base ont été sélectionnés ces votes ? Pourquoi ceux-là et pas d’autres ?

Une évaluation de l’activité des parlementaires est nécessaire et démocratiquement saine, y compris dans une optique militante assumée. Mais il faut le faire sérieusement.

Le premier sujet est la base prise en compte pour effectuer l’étude. Il faut être transparent dans la méthodologie, en partant d’un corpus significatif (il y a eu bien plus que 17 votes sur des sujets écologiques entre 2017 et 2022), en expliquant en détail les critères qui ont présidé à sa constitution. Arguer que l’on ne retient certains amendements, et pas d’autres, juste parce que les données existent pour les premiers et pas pour les seconds, n’est pas scientifiquement correct.

Prendre les textes les plus clivants n’est pas nécessairement la bonne formule, car certains amendements peuvent être rédigés de manière outrancière, pour permettre à leur auteur (souvent de l’opposition) d’aller ensuite clamer que les députés de la majorité sont « contre » un sujet, alors même que le rejet est parfois motivé par la mauvaise rédaction ou le fait que la solution proposée dans l’amendement est irréaliste (et donc irréalisable).

Il faut ensuite aller au delà du simple comptage, car il est délicat de prétendre porter un jugement « qualitatif » à partir d’un simple comptage de votes, sans chercher à savoir si derrière chaque vote, il y a une conviction profonde, ou simplement une discipline de vote. Dans une assemblée à 577 députés, tous ne peuvent pas être spécialistes de tout, et au sein d’un groupe, on fait confiance au travail réalisé par les spécialistes du sujet. On ne peut donc pas traiter de la même manière un vote, selon qu’il émane d’un spécialiste ayant bossé le sujet, ou d’un député (spécialiste d’autres sujets), qui suit la consigne de vote du groupe, ou encore d’un député, non spécialiste, mais qui se distingue de la position de son groupe. Il est donc nécessaire d’aller plus loin, en travaillant sur les prises de parole et les positions exprimées, dans les débats parlementaires, ou dans la presse. Cela demande un travail bien plus important et fastidieux que simplement rentrer des données dans un tableur excel. Mais c’est le prix pour avoir une évaluation crédible.

Enfin, une bonne évaluation du travail des parlementaires devrait permettre à ceux qui sont mis en cause de répondre et de s’expliquer. Si le but d’un classement est juste de porter au pinacle ses amis politiques, et de clouer au pilori ses opposants, ce n’est pas très constructif. Il est un peu dommage de gâcher un outil qui peut apporter du dialogue et de l’échange citoyen entre un parlementaire et ses électeurs, en en faisant un simple outil de combat militant ».

Par Samuel le Goff (https://www.linkedin.com/pulse/ne-peut-pas-%25C3%25A9valuer-les-parlementaires-nimporte-comment-le-goff/

Est-il nécessaire de rappeler qu’il y a eu bien plus que 17 votes sur des sujets écologiques entre 2017 et 2022. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné 37 projets et propositions de loi et adopté les conclusions de 29 missions d’information. Cette commission que je préside depuis octobre 2020 a examiné pas moins de 8234 amendements.

S’agissant plus particulièrement de 4 sujets suivants évoqués dans ce pseudo « classement » :

– Interdiction des perturbateurs endocriniens dans les cantines scolaires

– Interdiction d’importer des denrées produites en utilisant des substances interdites dans l’UE

– Interdiction de production, stockage ou vente de produits phytopharmaceutiques non autorisés en Europe

– Indemnisation des victimes de l’utilisation de produits phytosanitaires

Il est nécessaire de rappeler que nous avons adopté une série de mesures pour palier les risques de contamination de l’alimentation des enfants et adolescents par des perturbateurs endocriniens dans la restauration scolaire lors de l’utilisation des contenants en plastique.
Dans cette perspective, la loi EGALIM (2018), d’une part, et la loi AGEC (2020), d’autre part, encadrent le recours massif au plastique à usage unique. L’article 28 de la loi EGALIM a notamment prévu trois mesures à cette fin, via l’interdiction :
  • des touillettes et pailles en plastique, dans la restauration, la vente à emporter, les cantines et les commerces alimentaires en 2020,
  • des bouteilles d’eau en plastique dans les cantines scolaires en 2020,
  • des contenants alimentaires de cuisson, de réchauffage et de service en plastique, dans les services de restauration collective des établissements scolaires et universitaires ainsi que des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans. Dans les collectivités territoriales de moins de 2 000 habitants, cette mesure est applicable au plus tard le 1er janvier 2028.
Lors des débats à l’Assemblée, j’ai mis un point d’honneur à défendre l’interdiction de l’utilisation des contenants en plastique dans les cantines scolaires et j’ai toujours fais prévaloir le principe de précaution.
En outre, les matériaux et objets en matières plastiques destinés à entrer au contact avec des denrées alimentaires sont soumis à une règlementation européenne qui définissent les conditions permettant de garantir leur innocuité au contact des aliments. Les services de la DGCCRF contrôlent tous les ans les dispositions réglementaires applicables aux articles en matières plastiques destinés à entrer au contact avec des denrées alimentaires (emballages alimentaires, sachets, barquettes, boîtes, vaisselle, etc.).  En cas de manquement à la réglementation, des mesures contentieuses et/ou administratives sont mises en œuvre.
 
Ensuite, l’article 44 de la loi Egalim (2018) a permis d’interdire de proposer à la vente ou de distribuer à titre gratuit en vue de la consommation humaine ou animale, des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d’aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d’identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation.
Dans cette perspective, un arrêté ministériel interdit par exemple, depuis le 22 avril 2022, l’importation et la mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viandes issus d’animaux ayant reçu des antibiotiques facteurs de croissance – interdit depuis 2006 pour les productions européennes
Grâce à la loi Egalim (article 83), nous avons également mis en oeuvre l’interdiction de production, de stockage et de circulation de certains produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées au niveau européen pour des raisons liées à la santé humaine ou animale et environnementale. Cette disposition est entrée en vigueur le 1er janvier 2022 et un décret publié le 23 mars 2022 précise les modalités de mise en œuvre de cette interdiction.

Enfin, nous avons engagé avec le Gouvernement un plan d’action de réduction de l’utilisation de 50% des produits phytopharmaceutiques d’ici 2025 (je vous invite à lire l’article du Paysan Breton des 13 mai dernier sur les contraintes fortes qui s’imposent désormais à l’utilisation de ces produits). Nous avons également souhaité améliorer l’indemnisation des victimes professionnelles atteinte de maladies liées à une exposition aux pesticides. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a ainsi créé, à compter du 1er janvier 2020, un fonds d’indemnistation des victimes de pesticides, aujourd’hui en place et salué par les collectifs des victimes des pesticides.

Il reste encore bien sûr beaucoup à faire sur ces sujets.